Invisible et en danger au Mali : le cri silencieux des femmes sourdes-muettes et malentendantes
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À la veille de la 21e édition de la Campagne nationale de planification familiale au Mali, une voix étouffée mais puissante tente de se faire entendre : celle des femmes et jeunes filles sourdes-muettes et malentendantes.
Victimes d’une exclusion systémique, elles peinent à accéder aux services de santé en général et de la santé sexuelle et reproductive en particulier, faute d’informations accessibles et de prise en charge adaptée à leur handicap dans les structures sanitaires.
« Je ne savais rien de mes règles »
Nombreuses sont les femmes sourdes-muettes et malentendantes à ne jamais être averties sur les menstrues avant leur première expérience. Kadiatou Djiguiba, élève malentendante en 7ème année à l’école Amasourds de Bamako, (Association Malienne des Sourds-Muets), témoigne de son isolement : « je n’ai jamais eu de conversations sur ce sujet avec mes parents. J’ai eu mes premières règles à l’école et j’ai été effrayée. Heureusement que mes enseignants m’ont expliqué ce qui se passait », confie-t-elle avec reconnaissance.
Comme Kadiatou, des centaines de jeunes filles ayant des troubles auditives grandissent dans l’ignorance des notions élémentaires de leur santé de la reproduction. Beaucoup ne savent ni lire ni n’écrire, et ne comprennent pas les messages diffusés à la radio ou à la télévision. Leur seul canal d’information : la langue des signes, toujours absente des médias et des campagnes publiques de sensibilisation.
4.323 femmes et filles sourdes-muettes et malentendantes invisibles
Selon Balkissa Maïga, enseignante et présidente nationale des personnes sourdes-muettes et malentendantes, « il y a environ 4.323 femmes et filles malentendantes recensées dans le pays. Certaines sont alphabétisées, d’autres non. La plupart ne comprennent rien aux messages de santé car ils sont uniquement oraux ».
Cette barrière dans la communication a des conséquences graves : « beaucoup tombent enceintes sans jamais avoir été informées sur la contraception. Certaines, par peur ou par gêne, évitent les centres de santé et se tournent vers les remèdes traditionnels, ce qui entraîne souvent des complications », explique-t-elle.
Une double peine dans les structures de santé
Les obstacles ne se limitent pas aux campagnes publiques de sensibilisation. Dans les centres de santé, les femmes sourdes-muettes et malentendantes sont incomprises et mal accueillies. « Celles qui savent écrire arrivent parfois à expliquer ce qu’elles veulent. Mais les autres sont souvent renvoyées. Les professionnels de santé ne sont pas formés à la langue des signes et cela les décourage. Certaines de nos sœurs sont tout simplement rejetées », déplore Mme Maïga.
Face à cette situation, l’Amasourds organise chaque vendredi des causeries éducatives pour les jeunes filles et les femmes sourdes. Malheureusement, ces efforts restent limités à leur réseau interne.
Appel à l’inclusion sociale et médiatique
À l’approche d’une nouvelle campagne nationale pour la planification familiale couplée au dépistage du cancer de col de l’utérus et du sein, où spots radio, caravanes et causeries seront au rendez-vous, l’absence de contenus inclusifs pour les personnes sourdes-muettes et malentendantes reste criante. « Nous lançons un appel aux autorités et aux partenaires. Traduisez les vidéos en langue des signes, formez les agents de santé, placez des interprètes dans les hôpitaux. Nous voulons simplement comprendre et être comprises », insiste la présidente.
Une PF vraiment pour toutes ?
Le gouvernement et ses partenaires ambitionnent d’améliorer le taux de prévalence contraceptive et de réduire les grossesses précoces. Selon les Termes de Référence de cette 21e édition, l’Office nationale de la santé de la reproduction, l’ONASR prévoit de sensibiliser au moins 7 millions de maliens durant la campagne 2025.
Mais une question s’impose : peut-on réussir cette campagne sans inclure les femmes les plus marginalisées ?
La santé de la reproduction est un droit. Elle doit être garantie à toutes, y compris aux plus silencieuses. Il est temps que la planification familiale devienne réellement inclusive.
Mahamadou Bagayoko
Cet article est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali.
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